Les vicissitudes de l'amour (texte autobiographique).
A Sillé-le-Guillaume vers la fin de l'été je montais en direction de la pierre pieusement érigée -l'église- à la rencontre d'une illuminée aux allures de vestale. Qui devinerait que Sillé-le-Guillaume avec ses torpeurs provinciales abrite mes secrets d'esthète ? Des souvenirs intimes et éblouissants, mélancoliques et fulgurants m'ont rendu chère cette cité... Jadis dans cette ville j'expérimentais prouesses amoureuses et éprouvais feux de l'esprit. Une fois encore je voulus faire se croiser ces deux sommets du coeur et de l'âme. Une jonction de la terre et du ciel, du temporel et de l'infini : amour terrestre et élévation spirituelle.
Ce jour-là c'est en compagnie d'un charmant oiseau que je souhaitai accéder à l'ivresse sacrée, désireux d'oublier les tourments d'une existence agitée : la légitime amante qui partageait mes jours, en effet, venait de fuir.
Cela dit, ma solitude devenait synonyme de liberté.
Messager céleste et femme glorieusement incarnée, cette créature que j'étreignis bientôt s'était manifestée à moi comme un mystère, une interrogation (un songe brillant fut à l'origine de notre rencontre, que l'on me permette de garder secrète cette partie intime de l'histoire).
Au fond de moi-même je cherchais bien évidemment à rendre jalouse l'inconstante, à la faire revenir. A travers cette amoureuse officieuse le Ciel m'avait exaucé puisque trois jours après nos baisers échangés à l'ombre du clocher, le miracle eut lieu : émue par le serment de nos lèvres, la fugitive revint à moi. Le tremblement de nos coeurs sous l'église avait réveillé ses ardeurs. J'avais pris soin, en effet, de mettre au courant celle qui m'avait quitté de mon rendez-vous avec sa rivale.
La rebelle devint repentante, son affection pour moi se raviva.
Mais, ironie du sort, à ce jeu complexe et périlleux les cartes s'embrouillèrent si bien que celle qui, par ses tendresses ostensibles, devait me faire revenir la fuyarde avait finalement pris sa place... A peine conçue, je devais étouffer ma flamme car l'aimée, celle dont j'avais tant pleuré l'absence, m'était revenue. Même si mes sentiments pour cette dernière n'étaient plus aussi ardents, sa rivale ayant involontairement détourné à son profit mes feux, la volonté céleste exigeait que je retournasse vers l'amante prodigue.
Ce que je fis avec une joie amère au coeur. Je retrouvais l'ancienne compagne certes, mais en même temps je perdais la nouvelle.
Au contact de ma nouvelle conquête, l'autre avait perdu un peu de prix dans mon coeur décidément changeant... Désemparé, tiraillé entre les tourments exquis de l'amour naissant et le désir de sauver un hyménée de longue date, devais-je écouter ses battements et faire offense au Ciel qui m'avait fait revenir l'amante de toujours, ou devais-je le faire taire et acquiescer avec reconnaissance à la grâce qu'Il m'avait accordé ? A force de prières j'étais parvenu à Le faire fléchir, et voilà que j'étais tenté de détourner les yeux du cadeau divin !
Le temps, me dis-je alors, apporterait la réponse à mes hésitations.
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