jeudi 17 mai 2007

459 - La face cachée de la Lune

Verte, sournoise, tranchante, voici la Lune qui croasse. Ses ailes d'éther sont de mauvais augure. J'aime les sourires fourbes de cette hanteuse.

Point crucial de la nuit, oeil errant de la voûte, confidente des clochers, elle accompagne mes veilles, fidèle, moqueuse, attachante. Je trouve sa face subtile, sa caresse ironique, son silence mortel. Elle passe, fécondante, prodiguant mauvais rêves et bonnes fortunes. Ses quiets rayons irradient le malheur. Elle rassure les chouettes, effraie les dormeurs.

Elle répand son miel dans l'espace, déverse son fiel sur les poètes, rend muettes les villes, fait parler les campagnes... Elle attise les rumeurs, ravive âtres et légendes, délie les mauvaises langues, fait fermer les portes et sceller les coffres.

Il m'arrive de lui parler. Mes mots pour elle sont tendres. Mais ses éclats sont durs. On la croit pâle, molle, sereine, elle est vive, sèche, tourmentée. C'est une amie sévère qui rit avec férocité, sanglote à faire rendre l'âme.

J'aime cette séductrice aux joues brillantes, au front lisse, au regard fixe. Ne vous fiez pas à ses allures candides, car la Lune en vérité est une méchante fée, une sorcière qui diffuse un parfum venimeux, suave et mystérieux sur la Terre.

3 commentaires:

  1. S'il vous plait Monsieur Izarra, ne me demandez pas pourquoi je place ici ce commentaire.
    C'est une chose qui me vient à l'esprit...une espèce de fulgurance.

    Peut-être parce que votre amie la lune ne quitte pas des yeux l'invisible et que sa face cachée est un palier vers l'infini.

    Et que j'attends ce que j'attends. Alors une petite poésie en attendant.

    Les Yeux
    Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
    Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
    Ils dorment au fond des tombeaux
    Et le soleil se lève encore.Les nuits plus douces que les jours
    Ont enchanté des yeux sans nombre ;
    Les étoiles brillent toujours
    Et les yeux se sont remplis d’ombre.
    Oh! qu’ils aient perdu le regard,
    Non, non, cela n’est pas possible !
    Ils se sont tournés quelque part
    Vers ce qu’on nomme l’invisible ;
    Et comme les astres penchants,
    Nous quittent, mais au ciel demeurent,
    Les prunelles ont leurs couchants,
    Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent :
    Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
    Ouverts à quelque immense aurore,
    De l’autre côté des tombeaux
    Les yeux qu’on ferme voient encore.

    Sully Prudhomme,  Stances Et Poèmes

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  2. filledemnemosyne,

    Magnifique poème de Sully Prudhomme ! Du haut de mon peu de culture, je connaissais "LE VASE BRISE" du même auteur, poème de la profondeur et de la délicatesse que ne dément pas celui que je viens de découvrir ici.

    Raphaël Zacharie de IZARRA

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  3. Allongée sur le ventre, les coudes à demi-enfoncés dans la ouate, le visage entre les mains, elle contemple la terre de son petit nuage.

    Sous ses yeux, la sphère d'un bleu océan voguant dans un bleu sombre.
    Elle en scrute la surface et ne se concentre que sur ce grain de sable qui reflète toutes les lumières du monde.

    Heureusement qu'elle est immortelle.
    Parce qu'il faudra au moins l'éternité pour qu'il la rejoigne.


    (Excusez moi Monsieur Izarra de "squatter" votre immensité, mais je pense que j'y suis pour longtemps!
    Filledemnemosyne)

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