Elle me hante avec délices, me tourmente comme un fromage jaune dans la nuit, m'obsède telle une femelle à la chevelure blonde, au regard obscur. Spectre sidéral, oiseau aux ailes d'éther, insecte doré à l'abdomen comme une grosse pierre molle, limace céleste glissant dans le firmament, escargot cosmique faisant baver de toute éternité rimailleurs et superstitieux, la lune qui s'arrondit annonce des rêves peuplés d'herbes folles et de mirages fauves.
Avec son visage phosphorescent, ses yeux charismatiques, sa bouche pleine de miel pâle, la lune me dérange en pleine nuit. Hôte importun, attendu et redouté, elle est la cause suprême de mes insomnies, l'objet essentiel de mes ravissements.
Ses manières lentes, énigmatiques lui confèrent un charme vénéneux, doux et subtil.
Quand la lune brille pareille à un phare, je la soupçonne de réfléchir de toute sa tête. Et à quoi songe ce crâne luisant, enchaîné à son immuable orbite ? La lune pense comme un philosophe, imagine des romans puérils, tisse des histoires à dormir debout, bêle dans la nuit.
Ses pensées éblouissantes, absurdes et fantasques, ne seraient-ce pas ces rêves nocturnes qui depuis des temps immémoriaux agitent et apaisent, effraient et bercent les hommes sur la terre ?
Non, ce serait trop beau.
Les pensées de la lune sont des rayons sauvages et suaves qui percent mon coeur comme des flèches enduites de bave de mollusque vomitive afin d'en faire jaillir feux et silex, éclats lyriques et noirceurs béotiennes, bile amère et exhalaisons exquises.
Je sais. Je sors sans doute trop souvent de mon coquillage. Voyez-vous, j'aime la profondeur mais suis peu adepte des abysses.
RépondreSupprimerJe préfère être là. Je n'y peux rien. Je suis sans doute un peu claustrophobe.
A la différence des espaces privés ou je n'entre qu'après y avoir été invitée, je m'impose sans préambule sous la coupole qui recouvre toute chose.
Rassurez-vous, je reste à distance parce que moi aussi j'aime la solitude. Qui n'en n'est pas vraiment une puisque je me retrouve avec moi même.
Si je viens là, c'est que c'est ici qu'est le commencement. Un début rien qu'à moi et dont je ne livrerai pas la teneur.
Mais comme je ne suis pas égoïste, je vais partager un autre de mes coins de rêve. Jupiter.
Je me souviens encore de la date. C'était un 24 avril. Il y a quelques années déjà.
Pendant ma période astronomie. Je voulais découvrir le ciel. Pas dans sa poésie mais dans ses formes et ses couleurs. Je voulais voir si les étoiles les plus chaudes étaient réellement bleues, si elles avaient des branches, si les piliers de la créations étaient accessibles de mon jardin.
Comme je l'ai dit, j'aime la solitude et, quoique j'en avais reçu le conseil, il m'était impensable de me rendre en un de ces clubs, certes, fort bien équipé mais dans lesquels la découverte ne pouvait prendre la dimension que je voulais lui donner.
Malgré les quolibets de mon entourage, je m'offrais pour Noël une petite lunette astronomique premier prix mais dont l'emballage promettait des nuits enchanteresses.
Hormis la surface lunaire, j'ai mis quatre mois à voir.
Les optiques étaient peu puissants, l'appareil instable, le rendu flou, je ne me repérais pas, les nuits étaient glaciales quand elles n'étaient pas nuageuses, mes vertèbres cervicales douloureuses...bref, quatre mois !
Cette soirée d'avril était claire. Sur une carte du ciel, j'avais vu l'emplacement de la plus imposante des planètes de notre système solaire.
Comme je n'avais pas trop mal au cou, et qu'il me semblait avoir visualisé à l'œil nu l'objet de ma curiosité, je pointais, sans trop de conviction l'engin dans sa direction.
La sphère, toute petite, flottait dans le ciel. Avec ses rayures orangées. Je percevais sa rotondité et distinguais trois de ses satellites, petites lunes de la taille d'une tête d'épingle qui lui faisaient cortège.
C'était grandiose et minuscule à la fois.
Mais ce qui me frappa, plus encore que la découverte, plus encore que le pouvoir d'atteindre la planète si lointaine, plus encore que la beauté de la géante miniaturisée... ce fut le silence. Comme si mes oreilles accompagnaient mes yeux.
Cette sensation, je n'aurai pu la vivre au milieu d'astronomes amateurs même éclairés.
Je décidai de retenir cette date mémorable comme de l'un des plus beaux jours de ma vie.
Depuis, ma lunette bon marché a perdu définitivement sa stabilité ce qui fait que je ne peux plus l'utiliser.
Mais je pense encore à cette nuit d'avril qu'il m'est arrivé de revivre ce jour ou tout a commencé.
filledemnemosyne,
RépondreSupprimerJe partage votre admiration pour les géants de l'Empyrée. Votre regard poétique sur les globes sidéraux ce soir-là fut également un regard mystique.
C'est aussi le regard des scientifiques contrairement à ce qu'on serait tenté de croire : tous les scientifiques sont des enfants émerveillés par leurs découvertes et observations et cet émerveillement est le moteur de toute curiosité et évolution.
J'ai lu avec plaisir ce commentaire où vous relatez avec élégance, poésie, simplicité et beauté un moment de grâce sous les étoiles.
Raphaël Zacharie de IZARRA
Filledemnemosyne,
RépondreSupprimerContactez-moi, s'il vous plait, toute de suite sur mon adresse annastella284@gmail.com
Amicalement,
Liliana
Heureuse que vous ayez lu ce commentaire avec plaisir.
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