Vierge, stupide, économe, la vieille Albertine aimait égorger les chats du village. Pieuse comme un poux, aussi fière que les cloches de l'église, plus moche que sa cousine Berthe, Albertine en bonne vieillarde vicieuse qu'elle était ne s'adonnait aux délices interdits des délits mineurs qu'en présence de ses avocats importés d'Israël qu'elle dégustait avec beaucoup d'huile, ce qui avait la fâcheuse tendance à la faire baver.
A 78 ans bien sonnés, la bigote indigne convoitait les faveurs nauséeuses de son curé, un écouillé édenté qui avait des airs de serin persifleur. Cela dit l'homme d'église trépassa juste avant qu'Albertine ne succombât à ses passions malsaines. A ses funérailles, elle alla se faire cuire une grosse plâtrée de carottes. A neuf heures du soir, sa marmite pleine de choses étranges et indéterminées déborda de telle manière qu'on l'accusa de sorcellerie.
Elle fut jugée démente mais elle démentit sans aucune vigueur pour sa défense. Ses habituels avocats avalés, elle alla cette fois-ci se faire cuire un coco. Bref, pendant les trente ans qui suivirent l'affaire de la marmite, Albertine égorgea irrégulièrement les félins du voisinage. Parfois un par mois, parfois trois ou quatre tous les semestres.
Jusqu'à aujourd'hui où, alors qu'elle est âgée de 108 ans et qu'enfin vient de mourir son petit-fils, elle a fait une demande afin de bénéficier de son héritage. Elle est aussi alerte qu'une limace sur une feuille de laitue, mais cela ne l'empêche pas d'être sotte, méchante, cupide.
Depuis que j'ai emménagé à proximité de la vieille Albertine, je ne laisse plus sortir mes deux chats. Comme les autres au village, j'attends qu'elle crève.
A 108 ans elle est capable de tout, même de nous enterrer tous.
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