jeudi 30 septembre 2010

886 - Mystère du chien

Il est vrai que j'ai la population canine en horreur.

Avec courage et justesse j'ai incriminé leur puanteur, honni leurs aboiements, condamné leur férocité, blâmé leurs moeurs, dénoncé leur veulerie et même raillé leurs maîtres...

Mais pour répugnants, bruyants, immondes, malsains et ignobles qu'ils soient, les chiens n'en sont pas moins des animaux bénis et par leur Créateur et par les hommes.

Il semble que Dieu, plein de pitié envers ces créatures misérables, méprisables, ratées, viles, indignes, déchues, destinées à l'origine à garder les enfers, pour compenser tant de défauts ait voulu leur faire le don d'une vertu royale : l'intelligence.

Lumière olympienne, étincelle céleste, l'intelligence prodigieuse de cette vermine quadrupède la sauve de sa bassesse. De ce seul fait les chiens sont les rois des animaux. Après l'homme, Cerbère domine le vivant du haut de sa caboche étonnement bien faite. Il brille à travers cet éclair suprême que l'ordre cosmique a placé dans sa cervelle.

Compagnon immémorial du bipède, le chien patauge dans la boue avec lui certes, mais..

Mais tous deux se regardent dans les yeux.

En croisant son regard avec celui de l'Homme, le chien accède, en partie, à ses hauteurs. Il partage les errements et imperfections de son maître mais aussi une part de sa gloire. L'intelligence du chien est dans sa proximité cérébrale avec l'humanité. Dans les yeux de l'Homme, Médor voit son reflet comme aucun autre animal : la profondeur de son oeil qui le fixe en face répond à la profondeur du descendant d'Adam qui le fixe également en face. Le chien en a confusément conscience, son regard le trahit trop bien.

Car l'intelligence est dans le regard.

Brave et bon chien à qui l'on apprend de savantes choses, capable de suivre la direction d'un doigt, de lire dans les gestes, d'anticiper des désirs et même de se laisser mourir de désespoir sur la tombe de son bienfaiteur, accablé comme un humain...

Il semble que le chien sache aussi pleurer comme nous. Il peut atteindre un fond commun à l'Homme. N'est-ce pas cela qui donne à son acuité une qualité particulière ? Le chien a surtout l'intelligence du coeur, comme s'il avait une âme.

Et s'il en avait une, finalement ? S'il avait été mis sur terre pour des raisons... humaines ? Des raisons qui nous sont obscures mais, derrière le voile des apparences, essentielles ? Nous si loin du Ciel, eux si proches des enfers, nous si diaboliques, eux si humains...

Je crois que, à l'image de l'homme, le chien est un loup.

Un loup capable du meilleur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire